Il faut être pompier pour aller au bal

Publié le par Pascal Marchand

Mes yeux ont vu des fées

     Volant dans le ciel

     Avec leurs grandes ailes supersoniques

     Sur leurs balais aérodynamiques

     Leurs cheveux de blonde soie

     Leur mélodie des matins sur la Loire

 

J’ai vu les fées voler vers la lumière

     Comme une Orange de jeunesse libre et révoltée

     Comme le vin des arbres de leurs racines coulant

 

Elles étaient sur la voie qui souffle l’hiver

     Comme un élevage de canaris

     Comme un grand hôpital en souffrance

     Comme un syndicat qui a perdu sa lutte finale

     Comme un melon en tête d’épouvantail

Sous le chaud soleil où nous brûlons

 

Les fées zigzaguaient avec leurs légères ailes supersoniques

Où il y avait des baguettes et des étoiles

     Des étincelles filantes

     De la poudre de perlimpinpin

     Des grilles de Loto

     Des mariages

     Du rêve

il y avait des primevères

 

Les fées zigzaguaient avec leurs légères ailes supersoniques

Où il y avait des baguettes et des comètes

     Des étoiles errantes

     De la poudre de perlimpinpin

     Des limousines en pièces détachées

     Des canapés

     Des bagues

     Des mariages

     Du rêve

il y avait des papillons

 

     Dans le ciel de Suresnes

     Volait des fées la reine

On entendait le tonnerre secouer une ville atlantique

     Etait une sirène

     Dans les champs de silènes

 

Elles zigzaguaient

     Et la lune

     La Séléné aux blanches moustaches

     La reine de la nuit

     La face cachée du soleil

     Qui réveille les garous

     Mais qui sur nos chapeaux

     Comme sur les monts de Lascaux

     Ne fait tomber jamais les cheveux de Pierrot

Les regardait zigzaguer

 

Elles effleuraient le lit où les poissons pêchent des leurres

     Ce long cours élargi en vaste boucle

     Cette nuée de libellules si frêle et si translucide

Sous le chaud soleil où nous brûlons de vivre

 

Les fées enveloppées d’élégance froufroutaient

Leurs parfums rayonnants de soie violets

 

Leurs vêtements n’avaient pas l’émétique couleur

     De l’ordre

     De l’obéissance

     De la soumission

Elles étaient belles elles étaient nues

 

Elles étaient vivantes

Oui

Vivantes elles sont

De la nature à l’unisson

 

J’ai entendu les fées bourdonner dans la lumière

Essoufflées de bonheur de santé de longévité

Elles avaient la nudité

     Des nymphes et de Vénus

     Des papillons sur les corolles

     Des boutons de rose des ventres de femmes

     De la souris agrippée à un morceau de gruyère

 

J’ai entendu les fées bourdonner dans la lumière

Essoufflées d’argent de beauté de jeunesse

Elles avaient la nudité

     Des caravanes de kermesse

     Du clown et de l’équilibriste assis sur un tabouret à trois pieds

     Où s’écoule une coupe de thé

     D’une maison sans toit ni loi

     Du vin qui aux racines des lampadaires coule

Elles avaient la nudité

     De la télévision

     Des gares de la campagne

     Du téléphone portatif chèrement tenu à l’oreille séquestrée

     Chétif fétiche abrutissant

     Et d’une cabine d’essayage au milieu d’un terrain vague

 

Elles volaient zigzaguant depuis notre imaginaire

Et c’était notre rêve qui zigzaguait

Cinéma !

Chaplin regardé par des enfants !

 

        Morceaux de brioche savoureuse aux lèvres de Jackie !

        Nymphéas sur le lac de Claude Monet !

 

La Chimère !

Les Illusions !

Ce Printemps !

 

Un tel printemps   Un printemps tel
Toute cette monnaie pour laquelle
Œuvre chacun à l’encontre de toute flânerie

Gastronomique     –     Quelle horreur !

 

Où la ville étouffée de trompeuses publicités

Ces ardentes enseignes les pires des fleurs

D’une musique en conserve lumières assassines

     De happy ends les films d’Hollywood

     Qui séduisent tant

     Des films de poulet et de poulettes

     De navets les écrans

     Décervelés bien pensants

Clignote afin, imbéciles, de guider les carrioles sépulcrales

Vers les usines où roulent les esclaves motorisés

     Entassés dans le dernier tramway

     Le thé sanglant de la journée

Un printemps   Un tel printemps où l’aube des idoles

     Est un sommeil de la liberté

     Est le corbillard des jacqueries

 

Un printemps   Un tel printemps où l’on croit que

Les fleurs de plastique ont l’odeur

     Des lilas et des camélias

Dame ! Où goulûment en troupeau on contemple

Manipulés l’ostentatoire exposition des vitrines
Les routes brûlaient de mille feux clignotants

 

Ces bras qui saignent en l’air nos cœurs

 

Ces ardentes enseignes les pires des fleurs

 

Le soleil n’a plus de lieu sûr

 

Ses rayons chevauchent sans chaussures

 

La mort est l’unique levure

 

La poésie se niche au sein des extrapolations

     Oui

 

     Slogan belliqueux

          Vers d’autres intérêts

     Slogan absurde

          Vers d’autres horizons

     Slogan somnifère

          Ces religions

     Slogan somnambule

          Tous ces slogans

     Qui rendent la société sourde, muette et aveugle aux fées mendiantes

 

J’ai entendu les fées bourdonner dans la lumière du printemps

Comme les elfes transforment un théâtre en grand lin

Dans ma ville de Loire-Atlantique

 

Attentat qui intoxique assourdit commandite

Et annihile dans les esprits le blanc et singulier nuage

 

Commerce où l’on transpire de soif

Et où l’on s’enlise et où l’on meurt d’envie

 

Marketing qui normalise un artiste fou

Et extirpe avec ses faux sourires

Leurs rêves bleus et leurs ensorcelantes rimes

 

Foudre clignotante qui frappe d’une affiche

 

Spot avec sa douce musique d’ascenseur

Qui carrelle dans son balayage

Et dont la rouge et verte lumière incendie les immeubles muets

     Entre béton et bitume l’urbanité où

 

La pensée s’évapore

     Entre un livre de philosophie

     Et un livre de contes

La rêverie s’évapore

     Entre un livre de liberté

     Et…

 

Attentat

Commerce

Marketing

Publicité

 

Les fées dans l’obscurité zigzaguaient toutes ailes déployées

Indifférentes au but final

Il faut être pompier pour aller au bal

Il n’était pas nécessaire à leur magie

     D’avoir mille neuf cent quarante-cinq la mémoire

     D’avoir bicentenaire la commémoration

     D’avoir ni regrets ni culpabilité

     Que baisse le chômage de Marianne métamorphosée

     Que nenni

Pour qu’elles bourdonnent dans les airs

Rien n’était indispensable

Rien

Seulement une lutte boxée de poésie avec les économistes perroquets

 

J’ai vu les fées sur leurs balais

J’ai entendu leurs yeux de prunelle océan

Les fées avec moi volant contre un Vatican

 

Elles avaient la couleur des symphonies de Mahler

Elles avaient la couleur des poésies de Cocteau

 

Publié dans Poèmes

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